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Photo du rédacteurRameurs Tricolores

La Croix : La belle aventure des "X-men" de l'aviron

Dans une série "Champions anonymes" en cette fin d'année 2017, voici un article très intéressant, écrit par Jean-Luc Ferré et publié par La Croix le 27 décembre dernier, à propos de l'équipe de France poids-légers d'aviron et qui contribuera à conserver la mémoire du meilleur groupe mondial de cette catégorie depuis plusieurs année. Nous remercions ce média pour nous avoir autorisé à le publier.


La belle aventure des "X-men" de l'aviron

Pendant les fêtes, La Croix revient sur des performances sportives réalisées en 2017 et qui n’ont pas eu l’écho médiatique qu’elles méritent. En septembre dernier, l’équipe du 4 de couple poids légers tricolore a conquis son deuxième titre mondial en Floride, confirmant l’excellence depuis trois ans d’une spécialité qui rame trop souvent dans l’ombre. Et au bout du bout de leur effort, sur leurs deux derniers coups de rame, ils coiffent sur le fil l’équipage britannique. Pour 17 petits centièmes de seconde, ils sont champions du monde au terme d’une finale de 4 de couple poids léger emballée comme des chefs par les Bleus de l’aviron Stany Delayre, Maxime Demontfaucon, Damien Piqueras et François Teroin. C’était le 29 septembre dernier aux Mondiaux de la discipline à Sarasota (Floride), une nouvelle consécration pour l’un des collectifs majeurs du sport tricolore, aussi expert qu’anonyme, ou quasiment. Car pour le grand public, l’aviron ne pointe le bout de ses embarcations qu’une fois tous les quatre ans, à l’heure des Jeux olympiques, quand le soleil des médailles médiatiques éclaire les champions. Même pas au programme olympique Seulement voilà : chez les poids légers (moins de 70 kg pour la moyenne des rameurs d’un bateau), le 4 de couple n’est même pas au programme olympique, seul le 2 de couple ayant droit à la fête. Autant dire que « le 4» rame après la notoriété. Et c’est bien dommage, car il dévoile toute la singularité d’une équipe qui depuis trois ans maîtrise son sujet. Il faut dire que son histoire est celle d’une saine mais terrible concurrence. À chaque début de saison, les 8 membres du groupe sont rivaux et bagarrent pour « monter » sur le bateau-phare du 2 de couple. En 2015, la place est occupée par le roi incontesté de la spécialité Jérémie Azou, en tandem avec Stany Delayre. Les suivants embarquent sur le 4. Sans prendre l’affaire comme un lot de consolation, et c’est une des forces de cette équipe qui regorge de talents, tellement qu’ils se sont baptisés les « X-men ». La référence aux super-héros américains n’est pas une plaisanterie de mômes. Les Mondiaux d’aviron se déroulent cette année-là en France, sur le lac d’Aiguebelette (Savoie), et le collectif ne manque pas le rendez-vous. La paire Azou-Delayre s’impose sur le 2 de couple et le quatuor Pierre Houin-Maxime Demontfaucon, Damien Piqueras et Morgan Maunoir enlève l’or sur le 4. Tous les « légers » des autres catégories grimpent également sur les podiums. Un groupe extrêmement soudé « C’est mon meilleur souvenir d’aviron, souligne Damien Piqueras. Nos entraîneurs Jérôme Deschamps et Alexis Besançon ont vraiment réussi à créer un groupe extrêmement soudé ». Le collectif peut varier, l’excellence reste dans son sillage. En 2016, sur le 2, Jérémie Azou associé cette fois à Pierre Houin décroche l’or à Rio et le 4, privé de Jeux, réussit tout de même une médaille d’argent aux championnats du monde de Rotterdam. Rebelote cette année en Floride, où le 2 et le 4 se sont appliqués à dorer leur réputation nautique. « Nous sommes évidemment tous motivés par une sélection olympique, raconte Maxime de Montfaucon. C’est ce qui nous pousse et explique l’excellence du groupe, qui peut ensuite s’exprimer sur un 4 que personne ne prend pour autant à la légère. Dans notre spécialité, les différences physiques sont ténues et la concurrence internationale reste très dense. La médaille mondiale, il faut vraiment aller la chercher ». Il suffit de voir le contraste entre l’apparente fluidité et l’impression de facilité sur l’eau et l’état dans lequel les rameurs arrivent, ravagés par l’intensité de l’effort, pour imaginer la dose de sacrifices consentis avec des semaines à vingt heures d’entraînement. Pour des clopinettes de reconnaissance au final ? « On sait bien que même aux Jeux, l’aviron n’est pas le sport qui profite le plus du feu des projecteurs, philosophe Maxime Demontfaucon. On fait avec, même si c’est un peu frustrant ». Des moyens trop limités Pour Damien Piqueras, le problème est ailleurs : dans les moyens qui parfois manquent, obligeant à jongler avec des contraintes incompatibles avec la performance. À 26 ans, le rameur d’Annecy vient de décider de lâcher l’affaire pour privilégier son métier d’ingénieur. « J’aurais bien continué, mais avec de bonnes garanties pour pouvoir mener de front un travail et l’entraînement, explique-t-il. Mais ça n’a pas été possible. Je me suis lassé de devoir me battre pour obtenir des aides ou des primes de médaille ». Avec la retraite des uns et la défection des autres, l’aventure des X-men est en train de s’achever. Un nouveau groupe est à reconstruire, sur le 2 de couple comme sur le 4. Pour l’aviron tricolore, une page se tourne. Mais restent, indélébiles, de belles lignes écrites au fil de l’eau. --------------------------- Une équipe à reconstruire Il a tiré sa révérence en octobre dernier, après plus de dix ans de bons et loyaux services d’un choix de vie qui gomme tout le reste. Jérémie Azou a beaucoup donné à l’aviron tricolore – quatre médailles d’argent et deux d’or au Mondiaux, plus un titre olympique à Rio – et sa retraite à 28 ans pourrait surprendre, n’était l’usure contre laquelle le bonhomme ne se voyait plus lutter. À 30 ans, Stany Delayre est lui encore en pleine réflexion sur la suite à donner à sa carrière. Se projeter sur les Jeux de Tokyo, peut-être en double avec Pierre Houin, désormais leader des Bleus ? Réponse en début d’année. « La priorité est de construire un 2 de couple performant », commente Maxime Demontfaucon qui, à 24 ans, repart donc pour un tour en espérant enfin toucher le Graal olympique. Certitude : l’équipe du 4, après le départ de Damien Piqueras qui en constituait un des piliers, est elle aussi à reconstruire.

Jean-Luc Ferré

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