Marc Ventouillac tire sa révérence : l'homme qui a fait aimer l'aviron français
- AIA
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Après plus de trois décennies au journal L'Équipe, Marc Ventouillac range définitivement sa plume et son carnet de notes. Le journaliste aux mille voyages, reconnaissable entre tous par sa moustache emblématique, a marqué de son empreinte le journalisme sportif français, particulièrement dans le domaine de l'aviron.

Un parcours exemplaire au service du sport
Diplômé de la prestigieuse école de journalisme de Lille, Marc Ventouillac a débuté sa carrière à l'Agence centrale de presse (ACP) avant de rejoindre les rangs de L'Équipe le premier janvier 1990. Pendant 35 années, il a arpenté les stades, les bassins et les plans d'eau du monde entier, devenant une figure familière des compétitions internationales.
Si l'athlétisme constituait l'un de ses domaines de prédilection, très proche de Jean Galfione, Marc avait promis au champion olympique de se raser la moustache le jour où il passerait la barre des 6 mètres en saut à la perche.
C’est ainsi que le champion rasa la moustache du journaliste le 6 mars 1999, jour du premier Français à franchir la barre des six mètres), c'est véritablement dans l'aviron que Marc Ventouillac a trouvé sa seconde passion journalistique. Sa connaissance encyclopédique de l’aviron et son approche humaine du reportage ont fait de lui LA référence française en matière d'aviron.

Le chroniqueur de l'épopée française sur l'eau
L'engagement de Marc Ventouillac pour l'aviron ne s'est pas limité à la couverture des compétitions. En 2015, il a publié "Les grandes heures de l'aviron français", un ouvrage de référence de 120 pages richement illustré qui retrace l'histoire de l'aviron tricolore depuis les Jeux olympiques de Paris en 1900 jusqu'à 2015.
Ce livre, fruit d'un travail minutieux en collaboration avec la Fédération française d'aviron et Charles Imbert, ancien international des années 1970, témoigne de sa passion dévorante pour cette discipline. À travers plus de 200 photos et ses récits captivants, Ventouillac a su faire revivre les exploits des géants français de l'aviron.
Un témoin privilégié des succès tricolores
Au fil des décennies, Marc Ventouillac a été le témoin privilégié des plus beaux moments de l'équipe de France d'aviron. Des victoires historiques aux déceptions cuisantes, il a su capturer l'essence de cette discipline exigeante et transmettre l'émotion des compétitions internationales d’aviron à ses lecteurs.
Marc a également contribué à la rédaction du livre « Génération Mund » publié par l’association des internationaux d’aviron en 2024.
Très impliqué, Marc a aussi contribué à la médiatisation de l’aviron au sein de la commission Média de World Rowing.
L'héritage d'un passionné
Le départ de Marc Ventouillac marque la fin d'une époque pour le journalisme sportif français. Sa plume élégante, son œil expert et sa capacité à raconter les histoires humaines derrière les performances sportives ont inspiré toute une génération de journalistes.
Celui qui se qualifie lui-même comme « un amoureux de l’aviron et de ceux qui le pratique » laisse derrière lui un héritage considérable : celui d'avoir su faire découvrir et aimer cette discipline auprès du grand public, d'avoir documenté son histoire et d'avoir accompagné les rameurs français dans leurs quêtes de gloire.

Une passion qui perdure
Si Marc Ventouillac raccroche officiellement, nul doute que sa passion pour l'aviron et le sport en général ne s'éteindra jamais. Les bassins d'aviron ont peut-être perdu leur chroniqueur le plus fidèle, mais l'aviron français conservera à jamais la mémoire de celui qui en a si bien raconté l'histoire.
Les générations de rameurs internationaux français qui se sont succédées le remercient chaleureusement pour sa fidélité et ses qualités humaines. A ce titre, l’association des internationaux d’aviron le mettra à l’honneur lors des championnats de France à Mâcon le 11 octobre 2025.
Marc Ventouillac a été témoin des "années Mund". Ainsi, nous le retrouvons, à diverses occasions de cette épopée, tout au long de notre livre "Génération Mund, le long chemin qui a mené l'avion français au sommet de l'olympisme", et notamment au travers de son témoignage sur cette période faste de l'aviron français...
« SANS LA PRESSION, RIEN N’EST POSSIBLE »
En faisant le tri dans mes affaires voici quelques mois, j’ai retrouvé un papier plié en huit sur lequel étaient inscrits ces quelques mots : « Sans la pression, rien n’est possible ». Un message signé Eberhard Mund qu’il avait consigné lors d’un repas, un soir de championnats de France à Cazaubon. Il accompagnait sa phrase en abaissant son poing de haut en bas, mimant le geste du barman préparant une pression.
Bon vivant, l’homme avait de l’humour et était un régal pour les journalistes à défaut de l’être pour les rameurs. Je l’ai vu plus d’une fois, à Vaires, Lucerne ou Cazaubon, faire pleurer des grands gaillards à qui il annonçait une décision qui ne leur convenait pas. Eberhard n’était pas un tendre, mais il était respecté par les rameurs. Quand il les félicitait, ses mots, ou ses vigoureuses tapes sur l’épaule, donnaient toute leur valeur à leur performance.
En plus de 30 ans de journalisme sportif, j’ai rencontré bien des entraîneurs dans nombre de disciplines, mais je n’en ai pas rencontré plus de deux ou trois qui possédait la carrure et le charisme d’Eberhard. Mund disait ce qu’il pensait, sans prendre de gants. Lors des mondiaux de Tampere, en 1995 (deux médailles de bronze en catégorie olympique pour Andrieux/Rolland et Garcia/Gossé), il avait sorti la kalachnikov pour tirer un bilan sans concession de l’équipe de France. À tel point que Denis Masseglia, alors président de la FFSA, tint à revenir vers les journalistes pour adoucir le discours que nous avait tenu « Helmut » quelques minutes auparavant. « Tu sais, » me dit le président avec son accent marseillais, « Eberhard ne maîtrise pas toujours très bien la langue française… ». Ce qui me permit de lui répliquer : « Non, il parle très bien français. Mais d’autres maîtrisent mieux la langue de bois… ».
Tel n’était pas le cas de Mund qui ne refusa jamais une interview et joua toujours le jeu. Je n’ai connu qu’une seule fois un problème avec lui. C’était à Cazaubon en 2000. J’avais écrit dans L’Équipe un papier qui mettait en question la stratégie fédérale sur je ne sais plus quel point. Cette année-là, huit rameurs avaient été dispensés des tests dans l’objectif de constituer un quatre sans barreur compétitif pour les Jeux de Sydney. De bon matin, une pige entre deux quatre sans (dont un bateau-labo) était programmée. J’avais émis le désir de la suivre sur le catamaran de la fédé avec Dominique Roudy, l’attaché de presse de la fédé, Jean-François Renault (directeur de la rédaction adjoint à L’Équipe) et Jean-Pierre Surault, le photographe de la fédération. En nous récupérant à la tour d’arrivée, André Labrosse, le batelier de la fédé, dit « Dédé », fit la grimace : « je ne sais pas si le grand va aimer ça ! », dit-il.
De fait, en arrivant à mi-parcours où se préparait le bateau-labo, Mund ne semblait pas ravi de nous voir. « Messieurs, nous dit-il alors que Dédé manœuvrait, ceci est un bateau de la Direction Technique Nationale. Il n’est pas pour les journalistes. Mais je comprends que la fédération a besoin de photos, Jean-Pierre, tu peux rester. Dominique, pour la revue fédérale, c’est important que tu sois là, ne bouge pas. Jean-François, rédacteur en chef à L’Équipe, c’est bien que tu sois là… (puis il changea de ton). Mais toi, Marc, j’ai lu ton papier ! Tu descends tout de suite ! ». Inutile de dire que l’affaire fit vite le tour du parc à bateau mais cela ne nous empêcha pas, Eberhard et moi, d’écluser ensuite quelques pousse-rapière à la buvette.
Je n’ai pas souvenir d’avoir beaucoup vu Eberhard manifester son émotion. Même lors des grandes heures de Roudnice ou de Sydney. Ou alors si, une fois, dans son appartement du village olympique de Banyoles, après les épreuves des Jeux de 1992. Six finalistes, mais pas de podium. Il faisait le bilan des épreuves. Je l’ai vu tendre son bras vers l’avant pour accompagner son propos : « la médaille était là, à portée de main… ». Et, à cet instant, j’ai cru, oui j’ai cru lire dans ses yeux qu’il retenait des larmes…