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Photo du rédacteurRameurs Tricolores

Redorer le sport (Guy Nosbaum, février 1996)


Guy Nosbaum, Claude Martin, Jacques Morel, Robert Dumontois, Jean-CLaude Klein (bar)
JO Rome 1960-4+ FRA - Médaillé d'argent

Guy Nosbaum, médaillé d'argent aux Jeux Olympiques de Rome 1960 en 4 barré avec Claude Martin, Jacques Morel et Robert Dumontois apportait au début de l'année 1996 sa vision et ses propositions sur le sport en France.

La situation a-t-elle tant changé aujourd'hui ? La question mérite d'être posée...





Dans SPORT, il y a OR et aujourd'hui il semblerait que ce soit l'ARGENT qui ait pris le pas sur le reste ...

Le sport est devenu un tel enjeu économique par les intérêts énormes qu'il génère que cela tient maintenant du lieu commun de le dire.

Toutefois, n'oublions pas que le sport est avant tout une activité physique dans laquelle le mental du pratiquant est d'autant plus important qu'il vise des performances de haut niveau et où l'intelligence - stratégie et tactique - est prépondérante, surtout dans certaines disciplines plus “sophistiquées" que d'autres.

Si l'on observe le sport comme compétition et non plus seulement comme loisir ou détente, et c'est bien là mon propos, l'objectif du sportif est de faire mieux que l'adversaire, quitte à se surpasser soi-même - notion rarement comprise du commun des mortels non pratiquant.

A ce niveau de réflexion, la marge entre sport amateur et sport professionnel est relativement infime.

En revanche, quand l'argent prend le pas sur la compétition et la domination de l'adversaire, le sport devient spectacle, et les risques de “dérapages" sont inévitables et nombreux, qu'ils se nomment dopage, corruption ou business.

Alors nous ne parlons plus du même sujet, mais je l'évoquerai néanmoins plus loin, car il existe bien et il serait hypocrite de l'esquiver.

Or actuellement, les médias et leurs différents groupes de pression ne s'intéressent pratiquement qu'à cet aspect du sport, confirmé par toutes les savantes mesures d'AUDIMAT, le grand baromètre de notre aire de consommation à tout prix, y compris de scandales.


Je souhaite donc combattre ces “déviances" en tentant de redonner au sport ses véritables lettres de noblesses, en redorant son image.

Mais attention : il n'est pas dans mon propos de "se draper dans sa dignité" toute valeur à l'argent qui aujourd'hui fait vivre le sport, la plupart de ses pratiquants de Haut Niveau et toute l'économie qui en découle. Il faut s'efforcer de faire cohabiter les deux, et de dénier les notions, sans que l'une phagocyte l'autre pour aboutir aux abus précités.


Je vous propose de voir comment.


Tout d'abord, c'est en raison de mon passé sportif que je me sens autorisé à aborder ce sujet.

- De 1937 à 1960, j'ai pratiqué un sport éminemment amateur, l'aviron, d'abord en qualité de barreur puis de rameur.

- En performances, cela s'est traduit par :

o Une quinzaine de titres de Champion de France,

o Un titre de Champion du Monde Universitaire en 1949,

o Un titre de Champion d'Europe en 1953,

o Une médaille d'argent aux Jeux Olympiques de Rome en 1960.


Voilà pour la période dite "active" : De 1982 à 1993, par une chance que le hasard vous offre parfois, j'ai été impliqué dans la vie d'une équipe cycliste professionnelle, d'abord chez RENAULT, ensuite avec SYSTEME U, puis CASTORAMA.


J'occupais les fonctions de secrétaire général de l'équipe, ce qui m'a permis de vivre de l'intérieur - sans le pratiquer bien entendu - un sport professionnel que j'ai totalement découvert, étant en charge notamment de dialoguer avec nos partenaires financiers.

Aujourd'hui, il est très enrichissant pour moi de faire des parallèles et d'en tirer des enseignements qui devraient permettre de revaloriser l'image du sport de compétition et d'inciter ainsi des partenaires à s'investir à nouveau dans des sports "porteurs".


Comment ?


En mettant en exergue les qualités que seule la pratique sportive de Haut Niveau exige et permet de développer, et ce, quel que soit le sport.

En effet, les nombreuses comparaisons que j'ai établies, et qu'il serait trop long de développer ici, m'ont conduit à découvrir que la spécificité de ces deux sports n'était qu'en grande partie apparente, mais qu'au contraire il s'en dégageait un certain nombre de points communs, tant du point de vue de la pratique sportive, que des qualités personnelles (physiques, sociales, morales et mentales) qu'ils exigent :

- endurance, persévérance, volonté,

- don total de soi, si l'intérêt de l'équipe le nécessite,

- partage des responsabilités dans la victoire comme dans l'échec.

La liste pourrait s'allonger si nécessaire.

Elle prouverait que le sport de compétition ainsi pratiqué constitue UNE VERITABLE ECOLE DE VIE. Il apprend à se battre, ne jamais renoncer, positiver même en cas d’échec pour mieux "rebondir" ensuite. Ceci débouche tout naturellement sur :

- la confiance en soi,

- la connaissance de ses propres limites,

- l’esprit d'équipe, d'entraide et de générosité.

Et cela rejaillit sur la conduite de l'ensemble de sa propre vie.

On constate ainsi que le sport, ce sport-là, ne correspond pas toujours à ce que les médias nous montrent ; ou trop rarement.

Cet enrichissement personnel, ce plus qui caractérise ce sportif d'exception, mériterait non seulement d'être montré, mais mis en exergue, puisque c'est un des aspects essentiels du sport de compétition.

Tout naturellement, cela devrait inciter à une plus grande pratique en France, donc à une meilleure sélection, donc à l'éclosion d'une meilleure Elite.

Et qui dit Elite, dit Sport de Haut-Niveau, victoires, médailles, débouchant sur l'intérêt des médias, donc des sponsors, ce qui prouve que "sport redoré" et intérêt médiatique peuvent coexister. D'autres moyens de promotion plus concrets existent ; ils ne feront qu'apporter de l'eau à notre moulin, mais allongeraient par trop ce mémo.


Un sport quel qu'il soit, ne peut plus se développer valablement aujourd'hui s'il ne draine pas des partenaires financiers qui demanderont, et c'est logique, d'excellents résultats, à défaut d'être sur la première marche du podium, mais des résultats sans “ombres”.

Les sponsors, rendus "frileux" par l'image qui nous est donnée actuellement du sport, devraient ainsi être rassurés.Un mot enfin sur les fameuses “déviances" précédemment évoquées et qui, elles, font la UNE des médias : que ce soit de dopage, de corruption ou d'emprise excessive de l'argent, ceci est avant tout de la responsabilité du POUVOIR SPORTIF. II lui appartient de définir des règles rationnelles - c'est à dire applicables - et strictes, puis de les faire respecter sans faiblesses par toutes les disciplines et par l'ensemble de la chaîne - médecin, entraîneur,sponsor, voire parfois parents - qui entoure le sportif de Haut Niveau.

C'est l'une des conditions indispensables pour que notre sport d'Elite redevienne crédible aux yeux de tous. Je crois d'ailleurs savoir que notre Ministre de la jeunesse et des Sports partage cette opinion.

Mon projet est donc de réunir rapidement - à cause notamment de l'opportunité Olympique - un groupe de "supporters", partageant mes convictions et mon enthousiasme.

Il est impératif que ce groupe soit composé de personnalités d'origine variée - instance fédérales, éducateurs, médecins, sportifs, écrivains - si possible leaders d'opinion pour éveiller l'intérêt des médias et bien entendu d'une chaîne de télévision, avec, si possible, l'aval du Ministre.

J'estime que ce projet est suffisamment important pour obtenir l'adhésion de personnalités reconnues et attachées à nos valeurs, et permettre de REDORER l'image du sport de haute compétition en France.

A vous d'en juger, et de me donner votre réaction, voire votre adhésion pour avancer dans ce projet.


Guy Nosbaum

Rambouillet, le 2 février 1996


P.S.: Pour mieux imager mon propos, je rapporte un court et très récent extrait d'une interview de David DOUILLET dans l'Equipe du 2 janvier 1996 : à propos d'une émission de Jean-Marie CAVADA sur les sportifs accidentés parfois ou ayant subi de graves maladies au cours de la pratique de leur sport, David DOUILLET trouve que " le débat manquait d'ouverture, chacun se contentant de raconter son histoire, alors qu'il aurait fallu approfondir les choses. Tous les gens qui étaient là avaient vécu des trucs terribles et s'en étaient sortis plus vite que d'autres parce qu'ils étaient sportifs de hautniveau.


« C’EST SUR CETTE VOLONTE, SUR CETTE FORCE QUI SE DEGAGE DES ATHLETES, SUR CETTE ENERGIE POSITIVE QU'IL AURAIT FALLU INSISTER. »


Enfin, une dernière information qui nous est venue des Etats Unis, par l'intermédiaire de l'Equipe du 3 janvier 96, sous la plume d'Eric LAMY; il s'agit de l'élection du "Champion des Champions, in the World" pour 1995, par le jury de Sport Illustrated. C'est Carl Ripken Jr., un joueur de base-ball quasiment inconnu en Europe, qui a été distingué pour "sa façon de magnifier l'esprit et les vieilles valeurs d'un sport bouffé par les scandales et les excès"

Merci à Sport Illustrated et à Eric LAMY de nous avoir rapporté cette information majeureaux Etats Unis.


Serait-ce le commencement d'une prise de conscience... ?


Ainsi, entre ces deux témoignages récents, voici quelques gouttes d'eau à notre moulin.

A nous "de prendre le train en marche", mais sans perdre un instant.

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